« District 5 » Anonymous 4

Le choix
Enfin le moment tant attendu arrive, la fin de l’apprentissage et le vrai début de la vie professionnelle. Il ne reste plus que la dernière étape, celle du choix et cela en sera terminé de toutes ces années d’études si passionnées, si passionnantes, et si ardues.
J’ai prêté serment, comme les autres, sur la bible des algorithmes que «mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux, et de gérer les populations et les hommes dans le respect des statistiques et des algorithmes décisionnels », même si ce dernier rajout au serment médical me fait encore grincer des dents.
J’ai effectué mes 6 années de médecine et mes 3 années d’informatique appliquée aux algorithmes, et ai bien mesuré le changement qui, rapidement s’installe, dans l’organisation des soins de premier recours : toujours plus de statistiques, d’arbres décisionnels gérés par les coûts et la gestion globale.
Heureusement, je suis passé à la «Ferme », en stage, puis en tant qu’interne, et y ai appris la séméiologie, l‘examen clinique, la thérapeutique, la prise en charge pluridisciplinaire, et la globalisation du patient. J’y ai rencontré de vrais médecins, des amoureux de l’art médical bien conduit, et des aimables anonymes rebelles à l’outrance statistique.
« L’intelligence artificielle, les schémas décisionnels, les algorithmes doivent demeurer des moyens et non pas se transformer en buts pour les soignants »… ainsi parlait Mathieu, 6éme directeur de la Ferme.
Empreinte digitale, choix par ordre de classement au concours, foule, bousculades, rires, pleurs, joies ou déception. « Je ne connaîtrais pas la peur car la peur tue l’esprit… » Je ne crains rien, la répétition à la Ferme, porte ses fruits, je ne suis pas du tout inquiet, je sais ce que je veux faire et comment y arriver.
La salle des tableaux, tous les anciens doyens des facultés de médecine sont pendus aux murs et regardent ce que leurs disciples ont fait de la médecine, et nous jaugent, nous, avant de nous juger.

« Vous êtes bien sûr de votre choix, jeune homme ? » (Il ravale sa colère, l’ancien, ses galons et ses titres sont apparents mais ses doigts tremblent, et il n’arrive pas à valider mon choix… Aller, appuie sur ce bouton, que l’on en finisse).
« Et bien, soit, vous l’aurez voulu, vous êtes affecté au centre de soins du district 5 ».

Le centre
Cela fait 5 jours que je me sens mal, fièvre, toux, courbatures, et ce point dans la poitrine, qui me troue au moindre effort. A force de me faire incendier par les miens, j’ai accepté de me rendre au centre médical dont je dépends. Pour ceux de mon quartier, c’est le centre du district 5, grande bâtisse gris sale, où personne n’aime se rendre, tant la pseudo-médecine qui y est pratiquée n’a rien à voir avec ce à quoi on pourrait s’attendre en 2050.
Au-dessus des portes d’entrée, des lettres pour pré- trier les malades. Mon nom de famille commence par P, alors, porte 6 pour les « PQR ».
Ici, la carte vitale est obligatoire, ainsi que la prise d’empreintes digitales…sécurité oblige…vitale, vitale, et remise du badge qui fera valider tous les examens, j’ai le numéro 117.
Puis le bureau en fer, la chaise en fer (plus solides, moins coûteux), l’ordinateur sur la table, et le premier interrogatoire, selon la norme ISO 2048, version 6, après avoir inséré le badge dans la fente.
50 questions qui passent en revue les éléments sociaux, familiaux, professionnels et personnels, réponses en cochant des cases.
Puis 50 questions sensées faire une première approche de la demande du jour, depuis quand, comment, pourquoi, circonstances, symptômes…etc, et la case « nsp », ou ne sait plus, enfin la case joker, quoi.
Passage dans la salle de biométrie, où le robot enregistre pouls, tension, température, biologie primaire, et radiographie éventuelle, si besoin. La salle est froide, murs gris, carrelage et siphon d’évacuation d’eau pour le lavage de salle de fin de journée. Pas d’humain à l’horizon, un cliquetis et un bruit de fond de machine qui travaille, des caméras de surveillance aux murs, un écran au fond de la pièce, qui témoigne des items déjà réalisés par la machine.
Puis la salle du diagnostic, en premier, insérer le badge dans la fente, puis établissement du feuillet de diagnostic, avec les recommandations et le traitement à suivre, qui sera délivré dans la salle suivante, sauf si…
Une voix résonne dans la pièce : « Il semble qu’il y ait beaucoup de vos réponses qui ne correspondent pas aux données de vos résultats d’examen, un autre questionnaire va vous être proposé, pour affiner notre diagnostic, veuillez repasser en salle une !»
Retour à la case départ, et nouvelles questions. Une quinte de toux me cloue sur place, et je n’arrive même pas à mettre cette fichue carte dans le boitier. La voix monte d’un ton : « VEUILLEZ INSÉRER LA CARTE ET RÉPONDRE AU NOUVEAU QUESTIONNAIRE ! »
Tant bien que mal, je remets le badge convenablement dans l’appareil, et le nouveau questionnaire apparaît. Plusieurs pages de questions, ils affinent, comme ils disent… La douleur dans la poitrine revient, surtout ne pas s’énerver, respirer calmement, elle est toujours passée, cette douleur, alors pourquoi pas cette fois encore ?
Je tousse, et j’ai de la fièvre, et ils me demandent des trucs qui n’ont rien à voir avec mon problème, j’en ai vraiment marre, cette fois, je vais répondre « nsp » comme cela, cela ira plus vite. Je veux juste que l’on me soigne cette bronchite qui fait mal, de plus en plus mal, j’ai le bras gauche qui se crispe un peu, et qui me lance, et à force de serrer les dents, ma mâchoire s’engourdit.
Encore la voix : « VEUILLEZ PRÉCISER LES QUESTIONS DE 21 A 55, CE N’EST PAS CLAIR ! »
Je coche n’importe quoi, je suis complètement nase.
En bas de la liste de questions, une dernière case, le salut peut-être ?
-« Si aucun de nos efforts ne vous a satisfait, merci de cocher cette case, et nous ferons appel au personnel d’astreinte du centre médical du district 5, toujours à votre service, pour une médecine certifiée de qualité par les autorités de santé et la norme ISO 2048 version 6 ».
Je coche, à en exploser le bouton, encore et encore.
Une porte s’ouvre, un brancardier poussant un fauteuil roulant m’invite à m’y asseoir, et m’emmène, m’emporte, un ascenseur, deux étages, une porte, il frappe fort et lui répond une voix douce : « entrez ! »
« Bonjour, je suis le docteur qui va vous prendre en charge, détendez-vous, nous avons tout notre temps. Racontez moi ce qui vous arrive, et après, si vous le permettez, je vous examinerai, vous allez voir, nous allons y arriver».

Note de service interne pour le district 5
Changement de cotations dans les questionnaires patients pour les consultations de soins de premier recours, nous avons remarqué des défaillances dans l’analyse des réponses aux questions dont la réponse pourrait être « nsp », de plus en plus de patients finissent par devoir être examinés par les médecins d’astreinte. Une modification va être installée lors de la prochaine M.A .J. Une note interne sera diffusée sous peu.

Au cabinet Médical d’astreinte
Bonjour, Mary, comme prévu à la dernière réunion à la Ferme, le nombre de consultations réelles ne cesse d’augmenter. Je t’envoie mes chiffres, tu vois avec sophie pour la prochaine assemblée ?
Je crois que nous avons trouvé la faille.

Le cartable, la blouse et les amulettes

Quand je me suis installé, j’avais deux cartables : un pour les visites standard, qui contenait mon ordonnancier, stéthoscope, tensiomètre, marteau à reflexes, otoscope…etc., et une mallette pour les soins et traitements d’urgence, injectables, ampoules, plus une bouteille d’oxygène, pour les cas graves. A l’époque, pas de tour de garde, pas de maison médicale de garde, chacun pour soi pour tous les jours et le weekend.
Avec le temps et le changement des habitudes, la mallette d’urgence a disparu de mon coffre, ainsi que la bouteille d’oxygène ; j’ai changé plusieurs fois de cartable, et au final, peu de choses me servent, pour de moins en moins de visites à domicile, mon cartable me sert surtout de convoyeur de fond de caisse et de recettes journalières. Il s’est amenuisé et a pris des couleurs, comme ceux de mes confrères et consœurs qui affectionnent le rouge, le cuir ou la toile.
Ainsi va la vie, le Smartphone remplace le Vidal de visite, et les applications médicales les petits carnets de notes personnelles, fini le temps des visites en nuit profonde, où le seul repère était de laisser le porche de la maison éclairé, finis les OAP à 2heures du matin, finies les nuits blanches et les accouchements des matins blêmes.
Ce qui ne change pas, par contre, ce sont les amulettes que les patients nous accrochent, au fur et à mesure du partage de leurs vies, que la maladie soit présente, ou qu’il ne s’agisse que du suivi d’un nourrisson ou d’une grossesse normale.
Chaque épisode devient une histoire intime, chaque nouveau patient une tranche de vie, et être médecin de famille, généraliste des particularités c’est être le confident du corps et des âmes, le garant de la voie la meilleure, le référent du bon usage de la machine humaine.

Parfois lourdes, souvent pleines, ces amulettes sont autant de points d’impacts de la relation que l’alliance thérapeutique crée au fil du temps entre le soignant et le soigné.
Des fois sévère, souvent humain, toujours inconditionnellement bienveillant, le médecin observe, diagnostique, et soigne ; le patient lui donne le droit de faire tout cela, et lui épingle son amulette, souvent sans autre sésame que sa fidélité. Pour le patient, « son » médecin, c’est la personne devant qui on peut se mettre nu physiquement autant que moralement, celui à qui l’on donne le droit de palper, de toucher, de jauger, car on sait qu’il ne juge pas ; il est jugé par le patient, mais reste sans parti-pris, objectif, factuel.
Le cartable s’allège, les amulettes se multiplient, et pèsent leur poids de sourires et de souffrances, d’échecs et de réussites, de vies et de morts.

Une nouvelle docteure s’est installée dans la maison de santé, elle est adepte du port de la blouse, autant pour des raisons d’hygiène vis-à-vis des patients que pour elle-même. Elle s’habille en commençant la journée et retire sa blouse en partant. L’habit marque son état : avec blouse c’est la docteure, sans blouse, c’est elle.

Où ses patients lui accrochent-ils leurs amulettes ?
En reste-t-il accrochées sur ses habits une fois en « civil » ?
Les laisse t’elle toutes sur la patère avec sa blouse ?
Sont-elles moins lourdes sur la blouse ?

Parfois, mon fin cartable me semble si lourd, ma veste si chargée, mon manteau si pesant…

Un jour, peut-être, je mettrai une blouse.

Algorithmes (Anonymous 3)

Pour Mélodie, courir fait partie d’un mode de vie. Se lancer pour faire une performance ou juste pour purifier un organisme tendu après des nuits de garde ou des journées de consultations éprouvantes, mais courir pour oublier et ne plus penser à rien, simplement, vivre.

Ses collègues, Rafa, Émilie et Tam, sont comme elle,  ils se retrouvent 3 fois par semaine après le travail, pour se « décrasser », se motivant les uns les autres. Chacun a son cardio-testeur ou sa montre connectée, et les résultats, les performances ou les séances d’entretien se comptabilisent sur  leur logiciel « Healthcare » qu’ils comparent 1 fois par trimestre, au cours du « repas des perfs », au restaurant  local.

Mais aujourd’hui, l’entrainement prend une autre dimension ;  la donne change… Pas de montre, pas de cardio-testeur, pas de téléphone portable ; aucune connexion possible. Juste la course, la clé USB dans la poche secrète, la mission bien en tête, et l’espoir fou de ne pas être détecté avant d’avoir pu…La prochaine course sera la vraie, l’unique, la dernière ou la première d’une nouvelle vie.

 Ronald met sa main sur la vitre froide du détecteur d’empreintes, c’est sa première fois. Il entre enfin dans le « saint des saints » du Big Data Center, là où tout se décide, et là où tout se fait. Enfin il va pouvoir appliquer sa théorie et réaliser son œuvre.

Depuis sa thèse en sociologie de la santé, il a beaucoup progressé dans l’analyse des flux d’informations et des recoupements sur la santé connectée, à présent on lui offre la possibilité d’accéder à des millions de données et d’appliquer sa théorie à l’échelle de la population nationale, et peut être bientôt internationale. Au départ, des notions simples, des idées nouvelles et un regard innovant. Il a été remarqué en premier pour son analyse de la « preuve par 4 » qui a sonné le glas de la protection de la vie privée et fait réfléchir les autorités publiques et privées sur les utilisations possibles et les gains à espérer : la simplicité même, il suffisait d’y penser. En substance on peut résumer ainsi : 4 informations personnelles suffisent à retrouver, avec 95% de chances, un individu au milieu de fichiers anonymes contenant des informations sur des millions de personnes. Il a fait le test en grandeur réelle dans un pays d’Europe en se servant du réseau de téléphonie, et en associant : identifiant de l’appelant, identifiant de l’appelé, localisation par l’antenne relai, date et heure du contact ; des « métadonnées ». L’information selon laquelle la personne cherchée était tel jour à tel endroit étant facile à obtenir, la preuve fut faite que la théorie était porteuse d’espoirs, et son champ d’action élargi à la téléphonie, mais aussi aux transactions par carte bancaire, aux bornes d’autoroute, montres connectées etc.

Le projet qui lui avait valu ce recrutement (avec à la clé un salaire 10 fois supérieur à ce qu’il avait timidement demandé), était d’appliquer ce principe à la santé, plus particulièrement en analysant les millions de données « dormantes » des outils connectés des patients, diabétiques, cardiaques, et même des « bien-portants ». La formule qui lui avait valu les applaudissements du jury de sélection (mutuelles, assurances privées, caisses, Big Médical Center et ses filiales, et 1 représentant des usagers qui est sorti en hurlant au diable après 5 mn de présentation) est : «  si vous avez une connexion, je sais faire mieux que vous suivre, je vous précède ! »

Patrick se lève au son  de son téléphone, qui lui joue sa musique préférée, choisie dans sa playlist gratuite, offerte avec son abonnement. Il se prépare à 2 jours de stage de remise à niveau offerts de façon obligatoire par sa mutuelle afin de récupérer son statut de mutualiste à taux plein.

Il sort et valide son parcours en métro puis en tram grâce à sa carte de transport incluse dans ses  applications téléphoniques, et  joue durant le trajet à son jeu en ligne, de guerre contre des Alliens malfaisants rêvant de dominer le monde.

L’entrée étant autorisée par le code barre de sa convocation en ligne reçue par mail sur son smartphone, il pénètre dans la salle où 19 autres personnes attendent d’être rééduquées quant à leur mode de gestion de leur santé.

L’intervenant, formateur relai-mutualiste, leur décrit comment se servir de la nouvelle application « MutSan », qui va calculer, d’après leur poids, taille, âge, sexe, et activité professionnelle, comment mieux manger, mieux bouger, et comment diminuer les facteurs de risque cardio-vasculaires ; comment dépister les cancers ; comment vivre mieux, plus longtemps… (Et à moindre frais pense Patrick).

Les statistiques sont parlantes, plus près on suit les recommandations, mieux on vit, et plus longtemps… Les schémas, les données statistiques, les courbes, les algorithmes, tout concourt à montrer que la bonne façon de vivre est celle validée par l’association mutualiste ; à tel point que  dans l’avenir, l’assurance santé et la couverture du risque accident et maladie sera assurée si et seulement si un certain nombre de critères sont remplis par les assurés sociaux.

(Dans la salle, un murmure se lève, et s’amplifie : comment ? des critères ? une dépendance à des applications de surveillance ?)

Le formateur relai-mutuelle fait taire les murmures d’un geste : « sachez-le, le temps du soin gratuit est bien terminé, le décret sort ce jour, vous en avez la primeur aujourd’hui : tout assuré social va devoir satisfaire à des critères de bonne conduite sinon, il sera exclu du système ! »

« L’étude des métadonnées révèle un certain nombre de…disons de « lois » qui structurent la vie en société et montrent que la préservation de l’anonymat va devenir mission presque impossible dans un avenir très proche.

Je tiens à remercier l’association des mutuelles européennes, et le congrès des ministères de la santé pour leur invitation à ce séminaire « Santé-Economie-Gestion des risques », et de leur accueil chaleureux. Depuis notre premier contact, il y a 5 ans, la gestion européenne de la santé a beaucoup progressé dans son réalisme et son efficacité ; à ce jour, 80% de la population est d’une façon ou d’une autre connectée à l’une de nos applications, et grâce au maillage et à l’intercommunication des métadonnées, nous pouvons alimenter notre Big data Center de données fiables et exploitables ».

Ronald est aux anges, il est devenu responsable de l’exploitation des données numériques de santé de Big Data Center et à ce titre, il a suggéré une proposition de loi qui va être promulguée par décret aujourd’hui même : le contrôle et le suivi des données de santé issues des outils connectés montres, téléphones, cardio testeurs…etc. Bientôt centralisées et analysées dans un Big Data Center, ces données vont pouvoir prédire les prochains thèmes et projets de santé régionaux, nationaux et dans le futur européens. Ces  projets étant déterminés pour cinq ans, son programme ne peut qu’évoluer, et une fois la mécanique mise en route, rien ne pourra l’arrêter.

Bien sûr, certains resteront au bord de la route, laissés pour compte de l’évolution de la gestion de la santé, mais ce seront les non coopérants, les individualistes, ceux qui ne comprennent pas que l’effort, s’il n’est pas spontané pour certains, devra être imposé à la majorité ; pour ceux-là, plus de couverture santé, et même, plus d’assurance tout court, plus d’aide, plus aucune prise en charge de la collectivité ; après tout, sauter d’avion sans parachute est aussi inconscient que de ne pas surveiller son régime alimentaire, que de ne pas entretenir son organisme, que de fumer, boire de l’alcool en excès,  et toutes ces conduites à risque que la collectivité couvre de son aile aveugle et protectrice… Les temps changent, et la population va le comprendre car nous savons comment la surveiller et en exclure les brebis galeuses. Les Etats ne peuvent plus se permettre de continuer à payer sans contrôle pour soigner des personnes  qui n’ont aucun respect pour elles-mêmes, ni pour les règles que nous leur avons établis.

Un mot, sur la table du salon.

Patrick a ôté sa montre connectée, posé son smartphone juste à côté, laissé ses clés et est sorti.

Il a claqué la porte.

Il ne reviendra pas.

Dans sa poche, le recommandé papier de licenciement, celui, encore papier de rupture de son assurance maladie, et de fin de droits mutuelle.

Il n’attendra pas le recommandé de fin de droits au  logement social qu’il occupe depuis 10 ans.

Il a bien lu les raisons qui font que son univers s’écroule : il ne satisfait pas aux règles de bonne conduite du décret sur le projet régional de santé, et a été classé indésirable par tous ces organismes qu’il a nourri pendant toutes ces années de bons et loyaux services.

Il a lu que nombreux sont ceux qui, comme lui, ont été éjectés d’un système dans lequel on ne marche que dans des traces toutes faites, en respectant les consignes à la lettre, pour le plus grand plaisir de satisfaire aux normes statistiques ; chacun à sa façon est devenu résistant, opposant silencieux mais docile, ou a renoncé.

Il a son idée, sa façon à lui.

Patrick, infirmier D.E.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine,  et Patrick  bientôt aussi.

Ils sont cinq à courir dans le bois, cinq personnalités différentes, cinq déterminations égales.

Les grillages ont été coupés, le passage est étroit, mais praticable, rafa se blesse à l’épaule, simple égratignure, mais un peu de sang.

Après  le lac, tourner à droite, et se détacher du groupe.

La patrouille se sépare, sans autre bruit que le souffle régulier et le son des foulées sur les allées.

La clé USB dans la petite poche ceinture, le schéma du parcours bien en tête, ils se répètent les phases de leur mission : contourner le Jardin d’acclimatation, parvenir à l’avenue, s’approcher de l’entrée de la Fondation, en se repérant sur l’observatoire de la lumière et ses 12 verrières, et faire la jonction avec leur contact qui les fera entrer.

Mélodie pense à la « danse » qu’elle devra faire pour échapper aux détecteurs mobiles de la salle de contrôle.

Des aboiements proches, un cri, une détonation.

Continuer, courir.

Un sifflement, puis un cri.

Courir encore.

Le tunnel, le passage, la porte cachée, la lumière, la foule

La queue s’étire devant l’entrée, les employés  qui distribuent les programmes et hèlent les navettes ; l’un d’entre eux s’approche de mélodie « la course a été bonne ? Mettez cet imperméable et ces mocassins, on vous remarque trop en jogging. Descendez au deuxième sous-sol, voici votre passe et la clé de l’entrée le spray est dans la poche de gauche, après, vous savez quoi faire ».

Ronald est inquiet, on a signalé une intrusion dans l’enceinte privée de la Fondation, et des mouvements de cinq personnes dans le parc. Les chiens ont été lâchés, et le service d’ordre activé en code rouge, mais sans savoir pourquoi, il n’est pas tranquille.

Pourtant, tout se passe comme prévu pour la gestion et le contrôle de la santé dans la zone Europe, et la protection des données est réellement obsolète à présent ; anonymiser les données numériques est  une cause perdue, échapper au profilage est impossible. Les défenseurs de la vie privée ne comptent plus devant les intérêts en jeu, lesquels commencent à rapporter leurs fruits en espèces sonnantes, et ce ne sont pas les quelques ratés de l’évolution du système qui nous feront reculer.

Seuls les groupes de défenseurs de la pratique médicale libre et consentie, les adeptes de l’éducation thérapeutique et de l’alliance thérapeutique semblent avoir encore des adeptes, et montrent des signes de velléité d’opposition.

Ronald dans son fauteuil de ministre, boit une tasse de café devant sa baie vitrée face au parc, et balaye ces idées sombres en se rassurant sur la sécurité du système, aucun hacker ne peut entrer dans le système de données, et personne ne pénètre dans le sanctuaire, il ne sait que trop bien ce que cela lui coûte, mais le principe d’incertitude existe bien.

Mélodie n’a croisé personne, mais qui pourrait l’attendre ici ?

L’imperméable est à sa taille, les mocassins un peu justes,  «  pensées parasites ».

L’escalier de service, descendre deux étages, le couloir, la porte, la clé.

Le sanctuaire, des ordinateurs, des serveurs, un bruit de ruche.

Envie de courir vers le but.

Ne pas se précipiter, les lasers sont là.

Dans la poche gauche, le spray : « vaporiser et danser ».

Les lasers de détection sont bleus… « Pensée parasite »…

Si on les frôle, ils deviennent rouges et découpent, lui a-t ‘on dit.

Les lasers bleus forment des cercles qui s’élargissent et se rétrécissent selon une rythmique qu’elle a étudiée avec ses amis, les cinq ont appris la chorégraphie avec toute l’attention requise.

À présent, sa vie en dépend.

Dans sa tête, la musique commence, style oriental, mélopée rythmée,  juste ce qu’il lui faut.

Elle a le spray dans la main gauche, et la clé à main droite.

Petite fille, elle avait eu peur de la danse de Kaa, dans le livre de la jungle, aujourd’hui, le python, c’est elle.

La danse débute…

Les circonvolutions des lasers, les sauts et les arabesques de la danseuse se mêlent en une transe mortelle, il n’en restera qu’un à la fin.

De la sueur perle et coule dans son dos, dans sa tête, de la glace.

Petit à petit, elle s’approche du serveur maître, cinq mètres, trois mètres….

La porte derrière elle s’ouvre violemment, rompant le charme, Ronald est debout et la regarde ; «ne faites pas cela, vous n’avez rien compris, rejoignez-nous, je sais qui vous êtes, je sais tout de vous, nous pouvons nous associer à votre mouvement ! »

Mélodie a vu mais ne l’entend pas, dans sa tête, la musique résonne encore et encore, elle ne sera pas distraite : un mètre, le port USB, la clé, implanter au cœur de la machine le virus qui va détruire les connections, chirurgie 2.0. La femme serpent transmet un vers venimeux.

Ronald est tombé à genoux, la tête dans les mains, puis ordonne : « Partez ! Quittez cet endroit ! Vous venez de détruire ma vie, mon univers, ma raison de vivre, je n’ai plus qu’à mourir, PARTEZ ! »

Derrière lui, Tam est là, elle la prend par le bras et , ensembles, elles refont le chemin inverse, jusqu’à la lumière.

Dans la grange,  une nouvelle année débute, les cours ont repris, Pierre n’est plus là.

Devant le nombre d’étudiants croissant, Marie et Christine ont adoubé de nouveaux enseignants, dont une sportive qui semble douée, tenace, et qui sait danser comme font certains serpents…

 

Anonymous (2)

Tapi sous l’écaille de ses lunettes, Pierre sourit. Il sort de la grange à présent réaménagée et respire l’air frais du matin. Plus tôt, il a découpé soigneusement aux ciseaux les feuilles pour le tirage au sort. Il passe devant le puits et va s’asseoir sur la grande pierre pour attendre les autres.

Depuis la cyber- attaque contre les serveurs de la confédération, qui a partiellement détruit les fichiers de Dr. WATSON, le Big Médical Center et ses gérants ont radicalement changé de position vis-à-vis de la Médecine traditionnelle, au point de signer avec Pierre et ses émules un « Pacte en Soins Primaires », qui les autorise à pratiquer la Médecine à leur façon, et à former des élèves dans leurs propres centres. Les patients, réunis en association, ont pesé lourd sur cette décision, réclamant le choix « libre et éclairé » de leur médecin traitant. La « Médecine de Premier Recours » est née de ce pacte et elle enseigne, par des notions de prévalence et d’incidence à prendre en charge le suivi durable, le bien-être et les soins médicaux primaires d’une population donnée, sans se limiter à un organe, un âge ou un sexe donnés. Elle incite à pratiquer, à rechercher et enfin à enseigner. Des groupes de soignants se sont regroupés en fédération, et ont même créé des « maisons de santé pluri professionnelles » pour donner une des réponses possibles au manque de praticiens de premier recours dans les zones déficitaires.

Marie s’éveille, s’ensommeille, pourtant Marie se lève, attentive enseignante ; prend son cartable sur la table et sort. Elle a  peu de route à faire pour rejoindre les autres. Elle vérifie que son habit de cérémonie est dans son sac et part.  Et Marie cueille quelques feuilles jaunies, rencontre Pierre, sur le lierre assis. « On attend encore Christine et on y va » ! Elle ne devrait plus tarder, elle est jury pour la première fois aujourd’hui.

Dans le cursus de la formation des futurs médecins, pensé par Pierre et ses collègues, réunis en « département de médecine générale » à la suite des réunions de groupes de pairs du bar à proximité du Big Médical Center, les apprenants deviennent peu à peu des internes, puis s’essayent à un travail de recherche, qui va valider leur formation lors d’une tenue annuelle, en habit spécial, « Robe en satin cramoisi (groseille), simarre (revers) en soie noire et ceinture noire » .

Pour la première fois aujourd’hui, et afin de varier les présentations, les internes vont pouvoir  raconter un cas qui les a marqués, faisant intervenir plusieurs compétences, posant plusieurs questions, un récit de cas complexe, en quelque sorte.

Christine est la petite dernière du groupe. Elle est à la fois enseignante et médecin généraliste installée. Elle est membre de la confrérie des CCU, qui travaillent à la fois dans la pratique et dans l’enseignement. Tâche malaisée tant les besoins sont importants des deux côtés, mais ses étudiants se souviennent d’elle comme de  « celle qui partage ».

Les internes sont venus nombreux, ceux qui vont valider leur cursus bien sûr, leurs amis, leurs familles et leurs proches, et sont venus  les amis des amis, les curieux et les postulants  futurs soignants. Viennent aussi  les « non-médecins qui soignent », ceux que l’on nomme les « paramédicaux » sans lesquels le diagnostic n’aurait aucun intérêt, ceux qui  se perfectionnent dans le soin.

Avec eux est née une relation de partage de protocoles, de collaboration si intime et si serrée que le lien devient un vrai besoin. Il y a aussi des « patients », impatients de voir leur « Docteur » entrer dans la cour des grands, sensibles aux efforts fournis, aux nuits d’études et aux débats « talmudiques » sur les conduites à tenir par l’équipe soignante sur leur cas précis, et, par extension, sur ceux à venir, pour l’avenir.

 

Car le département fédère des protocoles, des conduites à tenir, et des « façons de faire mieux » sous-tendus par les échanges entre pairs, les réunions de résolution de cas complexes, et la validation par ce nouveau comité de sages récemment nommé « haute autorité ».

Aujourd’hui, Pierre tient un rôle spécial : en tant que « doyen », il préside, mais il laisse la parole aux nouveaux, à Marie et à Christine, et va se livrer à son activité favorite du moment, « développer les idées émises sous forme d’arborescence » : en reprenant les thèmes et les notions, il dessine, organise, développe et synthétise les pensées en un arbre de vie… la  « Mind-Map ». Christophe, comme à son habitude, anime le groupe.

Tout le monde s’installe dans un joyeux  brouhaha, et, comme d’habitude, la grange, même agrandie, même rénovée, semble encore trop petite. Les internes et leurs familles ont prévu « l’after », et les bouteilles et les mets savoureux attendent dans le hall transformé pour l’occasion en salle de réception.

Petit à petit, le niveau sonore baisse sans que personne ne l’ait demandé explicitement. Les 5 internes qui jouent leur avenir aujourd’hui sont en grande tenue, tremblants et émus.  Leur jury du jour n’en n’est pas moins stressé, cramoisis autant que leur toge, et découvrant la nouveauté. Pierre est devant son Paper-Board, armé de ses feutres de couleur, prêt à ré écrire et à mettre en forme les mots et les idées.  C’est Christine qui mène la journée et les débats, qui  organise et évalue.  Son avis sera déterminant, et sa décision irrévocable. Le silence s’est installé, et font leur entrée deux yeux bleus encadrés par des cheveux courts et roux, surmontant une toge couleur groseille. C’est le moment, un moment important, ils savent bien ce qui les attend au coin de leur vie.

Christine a placé l’urne au centre, et avec  Marie, Christophe et  Pierre  se mêlent aux internes, même Corinne est venue, de sa ville au crayon et à la gomme.  Les internes se connaissent déjà, depuis au moins trois ans, mais cette fois, c’est différent, c’est le jour où.., celui après lequel ils… Mais le tirage au sort de l’ordre de passage commence, maintenant.

C’est Louise qui passe en premier, puis les quatre autres.  Les enseignants sont assis au centre, et elle va leur raconter, argumenter, détailler, et rendre son récit le plus formateur possible. Mais aussi elle va devoir les faire pénétrer dans son vécu de la situation, dans ses états d’âme, ses joies et ses doutes, ses certitudes et ses angoisses, ses connaissances et ses lacunes. Les enseignants, à la demande de Christine ferment les yeux et se concentrent. A la façon des anciens chamans, ils vont essayer d’entrer dans la peau de Louise , et de vivre son expérience, si elle réussit à passer du rôle d’acteur à celui de metteur en scène de cette consultation si particulière, en les faisant partager son monde.

« Ce  jour-là, la matinée commençait tranquillement,………………………..le temps était doux…………aucune douleur,……………….bien déjeuné…………………ma vie va bien,………….ce cas m’a semblé…………….sa prévalence, sa fréquence en médecine générale………………j’avais pris du retard dans mes rendez-vous………….le dernier patient était agressif »

Le silence est total dans la grange, seule la voix de Louise, l’interne le rompt ; les autres le gardent et elle le brise régulièrement. Le jury a  les yeux clos, à présent, ils vivent la situation en réalité virtuelle, sont plongés dans ce récit, complexe, authentique. Seul, Pierre danse devant son Paper-Board, ses feutres dessinent des hypothèses, des liens, des conduites à tenir. Le public ne peut qu’entendre, concentré sur la voix d’abord tremblante, fluette, et de plus en plus assurée, déterminée, qui indique le but.

L’ambiance était moyenne, de la résistance à la…………..du bruit dans la salle d’attente, les deux enfants au milieu…….j’étais seule, sans mon maître de stage……………..je me suis sentie mal dans mon rôle……………..je me suis reprise, et ai tout refait……………..je me suis réapproprié la consultation, ai repris les bases……………….j’ai appris que……je me rends compte que………..j’ai fait un examen complet, le voici…….j’ai repris mes hypothèses………….j’ai pris en compte le motif, puis ai focalisé sur la demande, puis ai  ré ouvert la focale pour globaliser…………..j’ai tenu compte de la prévalence en médecine générale, ………….aspects psychologiques….dossier médical, surtout écrire sur le dossier…..re contextualiser……pertinence, manquements……..

Fanny, puis Anne, Claire et enfin Arnaud se succèdent au récit authentique.

Ils sont tous passés, Pierre a rempli plusieurs feuilles du tableau, Christine a passé l’épreuve de gestion de jury de niveau 1, et les autres membres du département ont apprécié ce nouveau style de validation de stage.

Epuisés, mais satisfaits,  les internes et leurs familles rentrent tranquillement dans leurs foyers. Marie, Pierre, Christophe , Corinne et Christine font un débriefing rapide avant de se séparer. Les étudiants ont su gérer le plan large, puis focaliser sur leur sujet, et enfin ré-ouvrir la focale pour leur conclusion. Christine joue l’Actors Studio, Pierre l’impressionniste, Christophe joue l’affranchi et Marie pense à plus tard, au comment, aux pour quoi et aux pourquoi.

« Vous pensez qu’ils  nous voient comment, les étudiants ? «  demande Christophe.

« Cela me rappelle une chanson, lui répond Pierre » Marie sourit, Christine imagine un clip, avec les Queens.

 

 

 

 

#IVGcestsondroit

Elle vient par choix, comme beaucoup de celles qui sont déjà passées ici.

Elle vient de loin, parce-que ce n’est pas facile, parce qu’il n’y en a pas beaucoup, parce qu’en fait, il n’y a pas vraiment le choix.

Pour pouvoir exercer son choix, elle a dû sonner aux portes de quatre hôpitaux et d’une clinique, et la réponse était toujours la même : «  le planning est plein, demandez ailleurs ». Jusqu’au dernier appel, qui lui indique qu’à 35 Km de chez elle, peut-être, il y a un médecin qui aura le temps de la prendre en charge.

Alors, elle est venue, de loin, comme les autres, après avoir pris rendez-vous, en bénissant le ciel d’avoir pu en trouver un qui veuille bien, et qui sache faire.

#IVGcestmondroit,  mais ce n’est pas si simple : il faut être sûre, prouver la grossesse, faire l’échographie de datation, et obtenir un rendez-vous chez un praticien formé et agréé par un centre d’orthogénie, tout cela avant 7 semaines d’aménorrhée pour une IVG médicamenteuse « en ville », jusqu’à 9 semaines à l’hôpital, et avant 12 semaines pour une IVG chirurgicale.

Pour le médecin, ce n’est pas simple non plus, il faut faire une formation à l’IVG médicamenteuse (1 journée) pour apprendre ce que les « pionniers »ont inventé avant la loi Weil, et fort du sésame de cette formation, il faut commencer le chemin de croix de l’agrément avec un centre d’orthogénie (ils sont tous débordés, mais un seul sur 4 a donné suite à ma demande dans un secteur de 70km²).

Puis, une fois le centre trouvé, il faut signer avec lui une convention de partenariat, et enfin apparaitre dans leurs fichiers en cas de besoin.

Et pourtant le besoin existe bien (22 actes d’IVG Médicamenteuses en 3 mois….)

Elle est donc là, devant moi, par choix, celui de ne pas poursuivre cette grossesse, celui d’avorter. Elle a apporté son dosage de BetaHcg, son échographie de datation, sa carte de groupe sanguin, et sa carte vitale. Pour elle, c’est la première fois (certaines patientes font cette démarche plusieurs fois) ; elle ne sait pas comment cela va se passer, mais le simple fait d’avoir obtenu le rendez-vous est, en soi, une victoire.

Alors voici comment cela se passe : après avoir vérifié le groupe sanguin et surtout l’absence de risque d’immunisation fœto-maternelle, on détaille la « procédure ». D’abord, et devant moi, prendre 3 cp de MIFEGYNE, puis, dans 3 jours, (selon les protocoles) 2 cp de Cytotec toutes les demi-heures 3 fois de suite, soit 6 cp et rester ce jour-là à la maison, à proximité de toilettes, ne pas rester seule, et ne rien avoir prévu de faire, et de préférence faire garder les enfants si on en a déja. Puis, visite de contrôle à 15 jours, avec nouvelle prise de sang pour juger de l’effondrement attendu du taux de BetaHcg, puis ce sera fini ( en n’oubliant pas de préciser : douleurs, saignements, risque d’échec, risques de complications, ou de rétention).

Donc, pour un choix en libre accès, il faut surmonter les obstacles des rendez-vous trop peu nombreux en hospitalier, trouver l’hypothétique médecin généraliste formé et agréé, faire 2 prises de sang au moins, une échographie, et 2 consultations chez le médecin dont on ignorait jusqu’à l’existence hier, ceci quand il n’y a pas de complications ou d’échec de la méthode.

Alors pas facile, pas simple, et révélateur d’un manque de médecins ou sages-femmes disponibles et disposés à réaliser cet acte.

Révélateur aussi d’un problème plus vaste, celui de la contraception, qui n’est pas toujours, loin s’en faut, adaptée et optimisée par les femmes ; 15 femmes sur 22 n’étaient pas satisfaites de leur mode de contraception, mais comme on ne leur avait pas donné le choix, faisaient avec celle qui leur avait été délivrée, voire imposée. Que le DIU et l’implant ne sont pas encore assez proposés au choix des femmes. Et que ce n’est pas si simple de prendre 1 comprimé tous les jours à heure fixe lorsque l’on n’est pas malade, que c’est difficile d’être la seule responsable de la contraception dans le couple voire dans la famille ; et parce que ce n’est pas juste d’être en plus obligée de subir les conséquences si démesurées d’un oubli somme toute si, prévisible.

#IVGcestmondroit , mais ce n’est pas si simple, hélas.

           2 sans-titre

Contre Voix

-Il parle, énumère ses plaintes, questionne, se reprend, décrit aussi bien qu’il le peut ce qui l’amène. Son dos, là, mais aussi plus haut, et plus bas ; et puis presque de partout. Et à l’examen, peu de choses, il vient pour mal de dos. Il redemande, il comprend qu’il y a peu de choses, il est d’accord, mais quelque chose manque…

-Elle est venue de loin, pour des symptômes mineurs, en apparence, elle me parle de son mal de ventre, de cette sensation de malaise, et du fait de toujours sentir cette pesanteur, là, et là aussi, et qui dure parfois plusieurs jours. Je comprends, examine, ne trouve qu’une sensibilité exacerbée de tout son ventre. Il y a du non-dit, mais qui ne vient pas.

-L’adolescent souffre, il a des larmes qui lui montent aux yeux lorsque je lui demande ce qui ne va pas. Il ne dit rien, rien que «ça ne va pas bien», juste ça. Il est avec sa mère, qui parle à sa place souvent et raconte leur vie à la maison rendue impossible à cause de cet ado qui traine son mal être. Il baisse les yeux, puis relève la tête, va parler, et puis non, à quoi bon.

Le but d’une dictée d’accords est de faire ressortir les notes qui se cachent dans ce qui est joué, et de découvrir ainsi comment leur assemblage fait naître un son différent de celui de chacune des notes séparées. Différent, mais composé par elles. Chacune des notes est une facette de l’accord; en les isolant, on arrive à décortiquer l’aspect global en un assemblage simple d’unités élémentaires.

L’accord est harmonieux si les notes qui le composent forment un tout. Il sera dissonant si est incorporée à lui une note étrangère, qui va perturber son équilibre (En harmonie tonale, une note étrangère ou note ornementale est une note qui ne fait pas partie d’un accord tout en étant reliée mélodiquement aux notes réelles d’un accord).

La globalisation, c’est aussi déconstruire la façade qui nous est proposée par le patient, pour en voir toutes les facettes, comprendre le patient et pas uniquement sa maladie, créer avec lui une alliance thérapeutique par sa compréhension de notre inconditionnelle bienveillance. Entendre et reconnaitre les sons cachés participe à la prise en charge centrée sur le patient, qui fait toute la valeur de la Médecine Générale.

-Elle est revenue, avec son mal de ventre, et à présent, les questions deviennent ouvertes. L’ornement de son mal être s’expose, elle parle, se raconte, se confie presque. Depuis cette IVG, depuis cette grossesse non désirée, depuis sa mère qui en a fait 6 et à qui elle ne voulait pas ressembler. Depuis son mari qui l’a laissée décider seule, mais qui ne l’a pas accompagnée. Juste retrouver les notes dans l’accord, et repérer la dissonance. Le ventre fera moins mal, et elle sait pourquoi.

-L’adolescent est revenu seul cette fois-ci. Il parle de son père qu’il a très peu connu, de son beau-père très autoritaire, de sa mère qui ne veut pas perdre ce nouveau conjoint, et du bébé qui va arriver. Il parle, et j’entends les notes se détacher l’une de l’autre.

-Son dos lui fait toujours mal, mais il a décidé de se raconter, et de parler de ses conditions de travail, du rythme sur la chaine à l’usine, des diplômes qu’il n’a pas et de l’avenir qui lui parait si difficile avec l’âge qui avance. Il pense qu’il devrait se recycler, quitter cette usine, ce travail et réaliser son rêve de devenir cuisinier.

En harmonie tonale, un accord désigne une combinaison d’au moins trois notes simultanées formant un tout

Un accord non classé est appelé «agrégat»

La dictée d’accords est une façon de faire parler celui qui n’a pas de voix

 

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Anonymous

Derrière la forêt, dans le creux de la vallée, les oiseaux se sont tus. Le jour pointe. Pierre replie la lame de son couteau, prend sa besace, et part couper des herbes.

Bienvenue à vous tous dans notre établissement, je me présente : « BigDoc », votre Président. Cet établissement est à la pointe de la recherche multi-diagnostics et représente ce qui se fait de mieux dans le domaine de la Santé. Voulu par les instances sanitaires, validé par le Ministère et reconnu par l’Union Générale des Mutuelles, nous sommes conformes à la norme Iso2050, qui fait à présent office de référence en soins primaires.

Vous faites partie de la nouvelle génération des acteurs de soins de premier recours, issus du Concours Classant Européen, et vous représentez la crème de la Médecine 3.0, le fer de lance de la future pratique Médicale de diagnostic et de traitement. Vous possédez le nouveau diplôme  d’ «ingénieur en diagnostic et traitement », et avez validé les 2 années de formation médicale assistée par ordinateur. Vous représentez le bras armé de la synthèse des connaissances médicales « Google compatible », et avec l’aide de notre serveur dédié : « Dr. WATSON », vous allez pouvoir mettre en pratique toutes vos connaissances.

Prenez possession de vos bureaux du 1er étage, installez-vous, nous nous retrouverons à 16h.00 pour le pot de bienvenue.

 

Pierre sort de sa besace les feuilles fragiles et les écorces précieuses et les dispose délicatement sur le séchoir dans la grange. Il allume son ordinateur et se connecte pour le cours qu’il donne en ligne, sur le site « Medical-Anonymous ».  Demain, il reprend le travail au Bigmédical Center, de l’autre côté de la forêt, en ville.

 

Porter le titre de «  Médic », c’est une consécration, un emploi au Bigmédical Center bien rémunéré, très encadré, avec des possibilités d’évolution, d’amélioration de son statut et de son salaire, et un plan de carrière qui, enfin se profile après toutes ces années d’étude en informatique, en algorithmes  et en rudiments médicaux. Ici, à chaque étage, un grade. On commence par travailler au premier, puis on grimpe, en fonction de l’ancienneté, des bons résultats par rapport à la statistique de normalité, et surtout en fonction de l’aptitude à se servir des algorithmes du : « Dr. WATSON », robot serveur de gestion des connaissances médicales, dont nous arrivons à la version 20.2, toujours plus rapide, toujours plus compétent, et efficace …et économique.

Le parcours de soin du patient entrant au Bigmédical Center est bien établi : à son arrivée, au rez-de-chaussée, il remplit son formulaire en ligne (relié en direct à «Dr. WATSON») et le serveur commence son travail d’analyse. Au fur et à mesure du remplissage, après la Biométrie mécanisée indispensable, le relevé des motifs de visite et des plaintes du patient, la machine propose des hypothèses diagnostiques, et indique les examens complémentaires pour étayer le diagnostic final.

C’est à ce moment que le « Médic » intervient, pour cautionner les demandes d’examen, et donner l’orientation finale à l’assistant d’aide au diagnostic.

A chaque étage, tous les bureaux sont identiques, en surface, couleur, ameublement, écrans et jusqu’au crayon et gomme, dont personne ne se sert plus. Les mini unités centrales sont reliées au serveur central, «Dr. Watson», qui gère et propose les conduites à tenir. Le « Médic» valide ou pas (le plus souvent, il valide), en recevant le patient dans son bureau où une table d’examen sensitive auto-examinatrice trône mais n’est que rarement utilisée, en faisant avec lui la synthèse du dossier (le plus souvent en appuyant sur la touche valider), récupère la signature électronique du patient, et lance la prescription de traitements qui l’attendront avant la sortie, au guichet avant la caisse virtuelle. Le patient ne paye rien, tout est couvert par la caisse et la mutuelle, si le logo «Dr. WATSON»  vient bien valider l’acte ; pour peu que le patient vienne bien régulièrement à ses rendez-vous, dans les centres agréés comme celui-ci, ce que font 99,9% des patients. Parfois on voit des publicités pour des médecins satellites, qui remettent à la mode la médecine d’antan, mais les gens ne se vantent pas d’aller les voir, obligés qu’ils sont de se rendre dans un « Big Médical Center » au moins 1 fois par an pour valider leurs droits aux prestations sociales.

17h30, Pierre sort de son bureau du 2éme étage du bâtiment  Big Médical Center, qui en compte 12, trop peu dans la norme pour monter en étages. Quand il travaille au centre, il dort sur place, dans un studio mis à disposition par la compagnie, 15m² au 11éme étage, 4 nuits par semaine. Ce soir, il a rendez-vous avec certains de ses collègues de travail dans 1 bar non loin du centre. Ils boivent un peu et échangent à propos de leur métier, leurs pratiques, histoire de parler un peu Médecine, avec des bouts de dossiers sortis en douce de la machine ; ils forment, comme ils disent un groupe de pairs, où la parole est reine, et « Dr. WATSON » absent. Demain, il rentre à la maison dans la clairière, pour 2 jours entiers qu’il va consacrer à la lecture de vrais livres, à sa collection de plantes médicinales, et à une formation qu’il organise de plus en plus souvent.

« Message de service ! »

On nous signale de plus en plus de cas de patients du centre qui refusent les examens proposés par « Dr. WATSON » issus des données récoltées par les fiches standardisées, et qui demanderaient d’abord à être «  examinés » par un médecin dans les bureaux de consultation.

Ces cas deviennent significatifs statistiquement et doivent être absolument signalés à l’administration grâce au formulaire Dr.W. 665B que vous trouverez dans l’onglet «  évènements indésirables » de la fiche initiale des dossiers patients.

Bonjour, je suis heureux que vous ayez pu trouver l’endroit, je pense que les repères que j’ai laissé sur la route vous ont été utiles et j’espère que le symbole du bâton surmonté du miroir de la prudence, autour duquel s’enroule une couleuvre restera comme signe de reconnaissance entre nous.

« La Séméiologie est la partie de la médecine qui étudie les signes (traduisant une lésion ou le trouble d’une fonction) que peut relever le médecin à l’examen clinique (signes fonctionnels, signes physiques et signe généraux) ou avec des examens complémentaires (imagerie, biologie.) Elle étudie également la manière de les relever (interrogatoire, examen physique, examens complémentaires), et de les présenter (écriture d’une observation, regroupement en syndromes), afin de poser un diagnostic ».

Comme je vais avoir du mal à me rappeler vos prénoms, vous devenez si nombreux, et que vous dormez sur place, je vais vous appeler simplement les « internes » cela vous va ?

Les 2 étudiants, serrés sur le banc dans la grange, au milieu d’une vingtaine d’autres, chuchotent pendant que Pierre reprend son souffle. «  C’est la deuxième année que je viens et à chaque séminaire, il commence par la même introduction… j’adore ce type ! » …des Chut Chut  fusent du petit amphithéâtre, Pierre poursuit.

La machine est très puissante, elle peut nous être d’une aide précieuse, mais la Médecine, ce n’est pas que de la statistique et des chiffres, il y a une part de non-dit, une part de contact non verbal, qui peut apprendre beaucoup aux soignants que vous serez. Posez vos questions, n’ayez pas de croyance absolue, servez- vous des chiffres avant qu’ils ne se servent de vous, examinez, critiquez, et réévaluez encore et encore.

Ce premier séminaire de l’année portera sur l’examen clinique, qui est, à mon sens, indispensable à l’élaboration d’un Diagnostic Médical…….

TANGO

Cela commence par un coup de téléphone, par une voix un peu inquiète, qui vient aux renseignements : « bonjour, je suis interne en Médecine Générale, et souhaite effectuer mon stage chez vous. Pouvez-vous m’indiquer comment vous travaillez ?».
La voix, le ton, l’envie.
Suit l’historique du cabinet, de la MSP (Maison de santé pluri- professionnelle), le type de patientèle, les horaires, etc… Plus on avance dans la présentation de ma vie professionnelle, plus je sens son envie de la partager monter, et son intérêt croître. A son tour : c’est une fille, et elle a pas mal « tourné » (comme elle dit) dans les services de gynéco, de pédiatrie et d’urgences. Elle veut être généraliste par choix et pas par défaut. Elle n’est jamais allée dans un cabinet de médecine générale en dehors de celui de son médecin traitant. Le courant passe plutôt bien, et la date de la première rencontre est fixée.
C’est ma première interne.
J’ai déjà encadré des étudiants en tant que MSU (maître de stage des universités), mais c’étaient des externes, étudiants en médecine entre la 4éme et la 6éme année de leurs études, juste avant le concours « de la mort » : l’ECN (examen classant national). Cette fois, c’est sa 9éme année de médecine, et elle pourra commencer les remplacements dès la fin du stage, et s’installer l’année suivante.
Pression ? Partagée, je pense.
Trois phases intriquées vont se mettre en place :
–Phase d’observation active du MSU par l’interne utilisant des supports d’observation
–Phase de supervision directe : Le MSU observe.
L’interne s’auto évalue. Les deux font des rétroactions.
–Phase de supervision indirecte. L’interne consulte seul. Il s’auto évalue puis travaille avec le MSU en supervision indirecte

Je vais donc être observé, puis observer, puis essayer d’imaginer ce qui s’est passé dans mon cabinet, entre « mes » patients et «mon» interne, et mélanger ces 3 «modes» de fonctionnement jusqu’à ce que «je» la sente autonome..
Vais-je savoir le danser, ce tango ?

On se tutoie, on se vouvoie ?
On se fait la bise, on se serre la main ?

Entre donc, mets-toi à l’aise dans mon «chez-moi» professionnel, laisse-moi te guider dans tes premiers pas de docteure en titre, vois, regarde bien, et surtout, critique.
Marche bien dans ma trace avant de faire la tienne, suis mon rythme avant de créer le tien, je te tiens bien, tu ne risques rien.
Objecte, argumente, sors tes référentiels et tes recommandations, penche toi de côté, tend mieux ce bras.
Comprends que lorsque tu auras touché le fond de ton incompétence, tu commenceras à apprendre la Médecine qui n’existe pas dans les livres mais dans le vécu ; cabre-toi sur ce diagnostic nul, et révolte-toi contre cet examen clinique incomplet ; mais montre-moi comment tu pourrais mieux faire.
Débriefons, récapitulons, re-contextualisons, du même pas, dans la même rythmique ; apprends, refait, reformule, danse !

Je te prête mes outils, bientôt, tu les trouveras dans les tiroirs sans même les chercher ; je te confie mes «précieux» patients.

Et, pour finir, sors de la trace, fais la tienne, sur la neige fraiche de ta future vie, apprends de tous, et un peu de moi, garde les odeurs, les sourires, l’empathie ; oublie les avides, les pointilleux et les procéduriers, danse un peu seule, pour voir…

J’ai mené cette danse, tu mèneras les tiennes, avec l’envie de bien faire que je sais ; et un jour, dans 1 an, ou plus, tu apprendras à un jeune « je sais tout mais rien encore » à danser sur une autre partition.

Oublie-moi, mais reviens quand tu voudras, tu connais le chemin.

BABEL

« L’art de parler et d’écouter est au centre de la relation soignant-soigné ; l’interrogatoire doit être poli, respectueux, intéressé, attentif, centré sur le patient, compatissant ».

«  Laisser les patients parler avec leurs propres mots, ne pas les interrompre, écouter plus, parler moins et interrompre rarement».

Aucun examen complémentaire ne peut dispenser le médecin du temps qu’il doit prendre pour interroger un patient.

Le malade peut, consciemment ou le plus souvent inconsciemment, brouiller les cartes, oublier un épisode du passé, interpréter les choses de manière erronée. Il ne faut prendre en compte que les faits, et donc s’attacher à les faire décrire par le patient.

« Ecoutez le malade, il va donner le diagnostic »

Sir William Osler (1849-1919)

Vécu 1 :

Bonjour, docteur, je vous présente mon père, K., qui se plaint de brulures urinaires quasi-permanentes et de difficultés pour uriner. Il est à la maison pour 3 mois, ne parle pas français, et je vais vous traduire. (La jeune femme qui parle porte un voile sur les cheveux, visage découvert, mais long manteau de tissu qui descend jusqu’aux pieds). Par contre, il ne veut pas que je regarde si vous l’examinez, il est très pudique, et en Turquie, les femmes ne sont pas habituées à assister à ce genre de consultations. Mon père est veuf, et il n’a que moi ; vous pouvez nous recevoir ?

Parler devant sa fille de ses problèmes urinaires est un obstacle que ce monsieur de 70 ans a dû surmonter pour pouvoir se faire soigner, et l’interrogatoire, difficile, restreint, mais fructueux a permis, de « poser » le problème. L’examen, a été réalisé avec le patient allongé sur la table, sa fille assise dos à nous, et qui traduit dans les deux sens. Pas beaucoup d’échanges, mais un diagnostic et un résultat.  Quant au vécu du patient, Mystère.

Vécu 2 :

Ma mère est en cours d’installation en France, et ne parle que chinois, mais je vais vous expliquer ce qu’elle ressent, et vous pourrez la soulager, docteur. Par contre, elle n’a pas l’habitude qu’on l’examine, et ne souhaite pas être touchée physiquement. Pouvez-vous nous aider ?

Des ricochets de questions, courtes, fermées, directes, et un examen sur une des poupées du cabinet, pour montrer là où cela fait mal, voilà tout ce qu’l a été possible de faire ce jour-là. La patiente bien serrée dans son manteau, par peur ou par habitude, ne semblait pas choquée de ce type de consultation. Son ressenti ? Mystère.

Vécu 3 :

Ma femme est malentendante, et nous venons d’arriver dans la région. Je signerai pour vous expliquer ce qu’elle dit, et je lui signerai vos réponses. Nous avons déjà vu un autre de vos confrères, mais cela semblait le gêner de procéder ainsi, alors nous sommes venus vous voir.

Un ballet de gestes, de pointage de doigts, de signes se développe dans l’espace entre l’interprète et la patiente, ils se regardent, et leurs visages, leurs corps et leurs mains s’expriment en même temps. Leur prise en charge de l’autre dépasse le lien visuel, et prend l’autre en globalité.

Qui choisit qui ?

Sont-ils venus par choix, par carence ou par défaut ?

Comment créer une relation, une alliance thérapeutique si on ne communique pas ?

Comment communiquer sans la même parole, ou sans la même culture ?

Comment savoir comment le patient a vécu la relation si on ne sait même pas s’il a compris ce qu’on lui a si mal dit ?

Quel est le statut de l’interprète, son degré de confidentialité ?

« Les recherches en termes de communication adaptée sont éparses, peu organisées d’un point de vue interdisciplinaire et font souvent l’objet, dans l’action sociale et médico-sociale, de « bricolages » certes inventifs et honorables mais peu reconnus et valorisés, parfois sans lien avec les recherches académiques. Pourtant, ce champ de connaissances serait profitable, au-delà de ceux qui ne parlent pas, à tous les membres d’une société qui se posent la question d’une éthique de la discussion ».

Ceux qui ne parlent pas : les personnes avec déficiences multiples et fortes limitations de communication. VIE SOCIALE, 2013/07, n° 3, 191p.

« La chose la plus importante en communication, c’est d’entendre ce qui n’est pas dit »

Peter Drucker (né en 1909)